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Deux femmes souriantes tenant un ballon de footTrois femmes souriantes tenant un ballon de foot

Des liens et du social

Traçant son sillon dans le bas des Marolles, la rue des Tanneurs s’impose face à ses réputées parallèles, les rue Blaes et rue Haute. De nombreuses associations y ont élu domicile, qu’elles soient à caractère social, économique, médical ou culturel. Depuis de nombreuses années, le Théâtre Les Tanneurs tisse des liens avec le quartier, par l’intermédiaire notamment de certaines de ces associations. Nous en avons rencontré quelques-unes, ainsi que les travailleur·ses qui les habitent. À travers une promenade dans la rue des Tanneurs et ses affluents, ainsi qu’un voyage temporel auprès de différentes générations, découvrez la richesse de certains de nos partenaires et voisin·es.

Depuis trois saisons maintenant, nous mettons à l’honneur les artistes dans notre brochure de saison, par l’intermédiaire de portraits ou d’interviews. Il était temps de rendre hommage aussi à ce quartier qui nous est cher, qui a vu naître et grandir le Théâtre Les Tanneurs. Nous envisageons une série d’articles qui parleront des Marolles. Pour cette édition 2021-2022, place aux associations du quartier et aux actions de médiation que les responsable des relations avec les publics, dont Mathilde Lesage depuis octobre 2019, ont mis en place en partenariat avec ces associations.
Depuis sa création en 1998, le Théâtre Les Tanneurs s’inscrit dans le tissu social des Marolles et s’ouvre sur le quartier. C’est une mission historique qui a toujours été défendue. De nombreuses collaborations avec des structures voisines ont pu voir le jour et ont donné lieu à une ribambelle de projets : des spectacles, des livres, des ateliers avec des enfants, des adolescent·es, des femmes adultes, des personnes âgées, tou·tes habitant·es des Marolles. Il est certain que le Covid-19 a paralysé bon nombre de ces activités, ainsi que la vie du quartier. Mais l’espoir de jours meilleurs est présent, plus que jamais !

LE LIEN AVEC LES ANCIEN·NES

Nous débutons notre promenade par la petite rue des Capucins, perpendiculaire à la rue des Tanneurs. S’y trouve la résidence Sainte-Gertrude qui accueille environ 170 personnes âgées. Karine Bril y travaille en tant qu’ergothérapeute depuis 2017. Avant, elle travaillait à l’Institut Pachéco, fermé en mars 2017. Dans ces deux maisons de repos, elle a côtoyé des personnes âgées qui ont toujours vécu dans le Marolles et qui aiment encore se promener dans les rues, flâner au milieu des brocanteurs ou prendre une bière dans un troquet. En tant qu’ergothérapeute, Karine travaille sur l’autonomie du/de la patient·e, sur l’entièreté de son corps humain, autant sur sa mobilité que ses parties cognitives.

Portrait de Karin Bril assise à une table
© Charlotte Sampermans

En octobre 2010, des ateliers d’écriture organisés par le Théâtre Les Tanneurs et le CPAS de Bruxelles, au sein de l’Institut Pachéco, et encadrés par l’autrice Laurence Kahn, voient le jour. Alors qu’ils devaient durer initialement neuf heures, ces ateliers se sont poursuivis pendant six ans et ont donné lieu à un livre (Jeux d’écriture, en 2013) et des lectures publiques dont Boules de l’Yser en février 2017. Ce désir de créer ensemble s’est poursuivi entre Karine Bril, réaffectée, après la fermeture de l’Institut Pachéco, à la résidence Sainte-Gertrude – tout comme d’ailleurs une bonne partie des résident·es – et le Théâtre Les Tanneurs. D’autres ateliers, aux formes diverses, ont depuis été donnés : des ateliers d’expression corporelle avec Mauro Pacagnella, des ateliers Gong – séance de relaxation aux sons et à la vibration des Gongs – avec Didier Casamitjana et des ateliers d’écriture avec Geneviève Damas, artiste associée au Théâtre Les Tanneurs depuis 2019. L’autrice invite les résident·es à raconter des souvenirs, des anecdotes du passé, leur quotidien…, prend des notes et retranscrit leurs témoignages. Ces ateliers, qui avaient commencé avant la pandémie, ont connu un sérieux coup de frein, mais ont pu fort heureusement reprendre par visioconférence en novembre 2020 et en présentiel en février 2021.
Karine Bril, qui sera pensionnée dans quelques mois, a tissé un lien particulier avec le quartier et ses plus ancien·nes habitant·es. Sa propre grand-mère, née rue aux Laines, était une echte Marollienne. Assurément, tout cela lui manquera. Mais la relève est assurée et la collaboration entre le Théâtre Les Tanneurs et la résidence Sainte-Gertrude ne s’arrêtera pas avec le départ de Karin.

DES MISSIONS INTERGÉNÉRATIONNELLES

Ce lien avec les ancien·nes n’est pas que du ressort des maisons de repos. Retournons rue des Tanneurs et arrêtons-nous au numéro 89. Sur le coin avec la rue de la Querelle, se trouve le PCS Querelle – projet de cohésion sociale de l’asbl Habitat et Rénovation dans le quartier des Marolles en partenariat avec le Logement bruxellois et la Société du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale. Depuis plusieurs années, le Théâtre Les Tanneurs organise des activités avec le PCS Querelle ou met à disposition ses espaces. Au PCS, Jeanne Chatelle et Brendon Amaral accompagnent les locataires des logements sociaux du quartier de la Querelle. Iels offrent un accueil et apportent leur aide, notamment quand la langue devient une barrière ou que la fracture numérique est trop importante. La porte de leur local est toujours ouverte. Beaucoup d’ancien·nes du quartier leur rendent visite pendant leurs permanences. C’est l’occasion de venir papoter, de raconter des anecdotes.

La particularité du PCS Querelle est qu’il touche tous les publics et tous les âges. Ça commence dès six ans, avec l’école des devoirs pour les 6-12 ans, les animations du mercredi après-midi et les stages pendant les vacances scolaires. Jeanne et Brendon suivent en moyenne une quarantaine de familles. Tous les jeudis, iels font du travail de rue et organisent notamment des pauses café dans les halls des immeubles – quand la situation sanitaire le permet – afin de renforcer le lien, d’amener les gens à se rencontrer, à sortir de leur isolement.
Le PCS soutient les envies des habitant·es de la Querelle et tente d’y répondre en s’appuyant au maximum sur leurs ressources et compétences. D’autres activités sont organisées, comme du jardinage sur un lopin de terre collectif, des promenades vertes dans Bruxelles, la distribution de cartes de vœux aux personnes isolées pendant les fêtes de fin d’année ou encore le Goûter d’hiver qui a lieu au Théâtre Les Tanneurs. Chaque année également, un événement convivial et festif est organisé en septembre : Querelle ma Belle. La 4ème édition devrait avoir lieu tous les vendredis de septembre 2021. Cet événement permet d’embellir le quartier et de s’approprier l’espace public. Il propose, en collaboration avec d’autres associations, notamment le Théâtre Les Tanneurs, des animations sportives, récréatives, culturelles et gourmandes.

Deux fois par mois, des femmes du quartier se réunissent également au sein du PCS Querelle pour partager un repas, organiser une sortie… Ces femmes, souvent coincées dans le quotidien des tâches domestiques, ont besoin de s’évader, de rencontrer d’autres personnes, de laisser s’exprimer leurs émotions. Suite au lien qui unit nos deux structures, des ateliers théâtre avec Geneviève Damas ont été organisés au Théâtre Les Tanneurs. Ces petites bulles d’évasion n’ont malheureusement pu avoir lieu que deux fois avant que la pandémie n’en décide autrement. Mais l’envie de continuer ces moments de partage, une fois que le mot covid-19 sera derrière nous, est bien présente. Alors que le théâtre peut paraître impressionnant, voire inaccessible, ces ateliers théâtre ont permis à ces femmes de découvrir cet art et de prendre confiance en elles.

UNE JEUNESSE MOTIVÉE

Le PCS Querelle travaille peu avec les adolescent·es. Cette tranche d’âge est prise en charge par les maisons de jeunes, comme le Club de Jeunesse qui se situe aussi rue des Tanneurs, et les AMO, services d’actions aux jeunes en milieu ouvert. Nous poursuivons notre trajet rue des Tanneurs, dépassons le théâtre et tournons dans la rue Saint-Ghislain. Au numéro 24, nous faisons la connaissance d’Antoinette Sponar, Léah Luel et Violette Fertinel qui travaillent toutes les trois au sein de l’AMO CARS, Centre d’Accompagnement et de Réinsertion Sociale. Cette AMO, qui dispose de deux locaux dont un au numéro 176 de la rue des Tanneurs, est un service d’accompagnement social pour les jeunes et leurs familles. Elle se divise en trois pôles : la petite enfance, l’espace public et la scolarité (avec l’école des devoirs et les interventions dans les écoles) et s’occupe globalement des jeunes de 0 à 18 ans. Une grande partie du travail de Violette et Antoinette se passe en rue. Elles vont à la rencontre des jeunes dans l’espace public, essentiellement dans le bas des Marolles, afin de créer des liens avec elles et eux et de leur faire connaître les services proposés par l’AMO.

Deux travailleureuses sociaux des Marolles
© PCS Querelle

Antoinette, Léah et Violette proposent des suivis individuels. Cela peut être une aide pour la recherche d’un job étudiant, d’une bourse, d’une activité extrascolaire, d’une orientation scolaire. Aucune obligation pour les jeunes de franchir la porte de l’AMO. Les suivis partent toujours d’une demande du jeune. L’une des actions qui lie le Théâtre Les Tanneurs à l’AMO CARS est le projet Bénévoliens, à destination des jeunes Marolliens, âgés de 15 à 18 ans. Ce projet, qui rassemble une dizaine de partenaires, permet aux jeunes d’acquérir une première expérience professionnelle, de surpasser leur timidité et de leur renvoyer une meilleure image d’eux et elles-mêmes, ainsi que du quartier. Il leur permet également de cotiser afin de financer un projet personnel, que ce soit l’achat d’un ordinateur, d’un téléphone, d’une mobylette… Les Bénévoliens travaillent maximum 2h par semaine sur 15 semaines, dans un lieu partenaire. Certain·es continuent l’expérience par la suite en étant embauché·es en tant qu’étudiant·es dans la structure qui les a accueilli·es.

Comme toujours, le lien avec les autres associations du quartier est primordial. L’AMO CARS travaille beaucoup avec le Club de Jeunesse. Antoinette, Léah et Violette sont aussi en lien avec les écoles du quartier, les directions et les professeur·es, et leur proposent notamment d’aborder en classe des thématiques particulières comme le harcèlement.

UNE ÂME MAROLLIENNE

Au fil de nos entretiens, deux mots sont souvent revenus : village et multiculturalité. Le quartier des Marolles, qui est l’un des plus vieux de Bruxelles et a longtemps vécu coupé du reste de la ville, se caractérise par un microcosme atypique. De vieux ou de vieilles Bruxellois·es côtoient une population issue de l’immigration arrivée il y a peu ou installée depuis plusieurs générations. Malgré la gentrification, la mixité perdure. Le métissage urbanistique est également visible : de riches magasins d’antiquaires se trouvent à deux pas du Vieux Marché de la Place du Jeu de Balle, de luxueux appartements entièrement rénovés font face à des tours de logements sociaux. Que l’on y soit de passage en tant que touriste, que l’on y travaille ou que l’on y vive, le quartier est particulièrement apprécié pour sa convivialité, son bouillonnement, son ambiance caractéristique, ses lieux de rencontre, son caractère urbain et villageois à la fois. À tout coin de rue, on se dit bonjour, on discute avec son/sa voisin·e. Certes, tout n’est pas toujours rose et des tensions sont palpables ponctuellement, mais le sentiment d’appartenance y est très fort. Assurément, il existe une âme, une identité marollienne !